Wang Bo

Interview de Wang réalisé par NGUYEN Thanh Thiên pour le magazine Dragon. On y apprend la vie de ce grand maître, des explications sur les arts internes, et particulièrement la Quanyou laojia.

NGUYEN Thanh Thiên : Maître, à quelle époque et dans quelles circonstances avez-vous débuté les arts martiaux ?

Maître WANG Bo : Le 13 août 1937, les armées japonaises envahissent Shanghai. Afin de leur échapper, ma famille part en hâte pour la région montagneuse de Simming Shan dans la province du Zhejiang, où je fus confié à ma grand-mère. C'était une femme extrêmement pieuse. Elle pria immédiatement le moine bouddhiste qui s'occupait du temple de la région, appelé Teng Dai Shi, de bien vouloir m'accepter comme disciple. Ce fut une rencontre qui marqua ma vie à tout jamais. Cet homme s'appelait HUI Liang et entre autres choses était l'héritier direct d'une lignée très ancienne de boxeurs appelée " Simming Song Xi Pai Neijia Quan", la Boxe Interne de la Lignée de Song Xi du Simming et dont la plupart des pratiquants étaient réputés pour leur longévité : il n'était pas rare de les voir dépasser les cent ans…Lui-même, déjà âgé de plus de soixante-dix ans, démontrait quotidiennement dans nos longues séances d'entraînement, qu'il était toujours capable de prouesses physiques exceptionnelles. Il m'éduqua en m'enseignant le respect des autres et de soi-même, les vertus fondamentales du pratiquant d'arts martiaux, mais aussi la méditation, le Qi Gong, la calligraphie…et me donna le nom bouddhiste " Yuanxiu ", Source de perfection. Je restais à ses côtés ainsi pendant huit ans.
Bien que, par la suite, j'aie été amené à découvrir d'autres styles d'arts martiaux, ma passion pour le Neijia Quan et mon profond respect pour celui qui avait bien voulu me le transmettre, n'ont fait que croître au fil des années !



Maitre Wang Bo

N.T.T : Accepteriez-vous de nous en dire plus ? Quels autres styles avez-vous pratiqués ? Avec quels Maîtres les avez-vous appris ?

Maître WANG Bo : En 1945, parti sur les routes à la rencontre du frère de pratique de mon Maître, je m'égarais en chemin et fus recueilli par un Xiang Ma qui est un bandit d'honneur itinérant [en littérature, on les appelle " Chevalier des Forêts Vertes " ou " Braves parmi les Rivières et les Lacs ", ndr] nommé Zhang Song Shan. Ce dernier devint en quelque sorte mon père adoptif. Il était un expert en boxes externes, anciennement appelées boxes du Chang Quan, Boxes Longues, auprès de qui j'appris diverses techniques de renforcement comme le Tie Bu Shan, Chemise de fer, le Jing Zhong Zhao, Renforcement Spécifique de la Tête et des Parties Génitales, mais aussi le Di Tang Quan, Boxe des Culbutes, le Hou Quan, Boxe du Singe ou encore le Xiang Ma Dao, Sabre des Brigands. Il m'entraîna également au Pai Da, Combat.
En 1949, lors de la prise du pouvoir par les troupes communistes, nous fûmes contraints d'abandonner notre repaire et de nous disperser. Sur les conseils de mon père adoptif, je partis pour Shanghai avec une lettre de recommandation de sa part pour le Maître Doung Zhongyi, expert auprès duquel j'ai pu pratiquer les Tran Tui Shi Er Lu, 12 Techniques de Jambe, le Tongbei Quan, Boxe de la Force qui Traverse le Dos ou encore me perfectionner dans l'art des Qi Na, Luxations.
Entre temps mon père adoptif nous avait rejoint. Il était contraint de se cacher et je devais subvenir à tous ses besoins, lui reversant la moitié de mon salaire d'instructeur de police. Malgré tous mes efforts, la situation devenant trop dangereuse pour lui, il fut dans l'obligation de repartir sur les routes. Fortement troublé de n'avoir pas pu aider davantage cet homme qui avait fait tant pour moi dans le passé, harassé par le surmenage dû au travail et à l'entraînement, je tombais gravement malade.
C'est alors que je fis la rencontre d'un médecin qui pratiquait le Taiji Quan, Boxe du Faîte Suprême. Frappé par certains points communs avec ma pratique du Neijia Quan, particulièrement au niveau de la recherche du relâchement musculaire, je décidais dès que je fus en état, d'explorer ce chemin.
Je sollicitais alors le Maître et médecin Yuan Tiejing qui accepta de m'initier au Taiji Quan style Yang et au Tuishou, Poussées de Mains, mais également à la théorie de la médecine chinoise et son application dans l'usage de la pharmacopée, de l'acupuncture et du massage. Il me démontra également que l'on peut utiliser le Qi, développé par la pratique, à des buts curatifs.
Ensuite les rencontres s'enchaînèrent, d'abord le Maître Jiang Rongqiao de qui je reçus le Ba Gua Zhang, Paume des Huit Trigrammes, et le Xingyi Quan, Boxe de la Forme de l'Intention, ancêtre du Xingyi Quan, Boxe de l'Intention du Cœur, très répandu de nos jours. Puis grâce à mon ami, le célèbre pratiquant et historien Gu Liuxin, je fus introduit à Beijing chez Chen Fake, dix-septième génération du clan Chen, de qui j'appris les formes Yi Lu, Premier Chemin, et Er Lu, Deuxième Chemin, ou Pao Chui, Poing Canon, et les Tuishou propres à son école.
Pour le style Yang, j'ai également suivi Tian Zhaolin, disciple de Yang Shaohou, Zhang Haidong, disciple Chen Weiming et Zhang Mingyu, deuxième génération de Yang Chengfu.
Par la suite, j'appris du vieux professeur Gu Ziliang, disciple de Wu Jianquan, fondateur du style Wu de Taiji Quan, le Qi gong taoïste, le Jeu des Cinq Animaux ainsi que le style Wu complet : mains nues, sabre, épée et perche.
Mais c'est en 1959 que je fis une rencontre qui donna un véritable tournant à ma vie de recherche dans le domaine des arts martiaux. J'avais entendu parler d'un Maître qui pratiquait un Taiji hors du commun et avait percé à jour les mystères de l'Energie de Transformation, Hua Jing. Ce Maître n'était autre que Chang Yunjie qui avait reçu de son père la transmission de la forme ancienne du mandchou Quanyou, lui-même disciple de Yang Luchan, fondateur du style Yang et instructeur militaire des gardes impériaux, et père de Wu Jianquan, fondateur du style Wu. Le Maître Chang, fidèle à l'enseignement de son père, préférait vivre dans le dénuement, plutôt que de transmettre son savoir au grand jour. Cela aurait forcément conduit à une simplification de ses principes, ceux-ci étant extrêmement difficiles quand à la rigueur du travail à fournir pour les mettre en application. Je partis tout de même à sa rencontre pour le prier de m'accepter comme disciple, mais, bien qu'à chaque fois que je lui rendais visite il me reçût avec courtoisie, dès que j'abordais de près ou de loin le sujet, il détournait habilement la conversation pour me parler de la pluie ou du beau temps… cela dura ainsi plus d'un an avant qu'il daignât accéder à ma requête ! Mais de ce jour et jusqu'à sa mort en 1970, j'approfondis sans relâche à ses côtés tous les aspects de la Quanyou Laojia, tant énergétiques que martiaux, Tuishou, Sanshou, Séparation des Mains, combat au corps à corps ou au sol.
Au jour d'aujourd'hui, bien que je révise encore quotidiennement les styles Chen, Yang, les Ba Gua et le Xingyi, le cœur de ma pratique reste le Neijia Quan et la Quanyou Laojia dont les principes sont sur de nombreux points étrangement similaires.

N.T.T : Habituellement, lorsque l'on parle de Neijia Quan, on utilise ce terme pour désigner l'ensemble des pratiques internes (Taiji Quan, Xingyi Quan, Bagua Zhang) et ce, en opposition au Waijia Quan, désignant les pratiques externes ; mais vous, en revanche, vous faites allusion à un style indépendant de ceux-ci. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Maître WANG Bo : Les termes Neijia et Waijia sont en effet utilisés pour mettre en opposition deux formes différentes d'utilisation de Qi : les boxes externes imposent le développement de la force musculaire, il faut être sec, puissant et dur ; il faut bloquer le Qi, sortir la poitrine et rentrer l'abdomen. Les boxes internes au contraire demandent le relâchement musculaire, être doux, détendu et souple, l'intention du coeur commande au Qi, le Qi lui contrôle le corps, celui-ci dirige le mouvement ; il faut relâcher la poitrine, détendre l'abdomen…
Taiji, Xingyi et Bagua font partie de ce courant interne. De nos jours, on y ajoute fréquemment le Yi Quan, Boxe de l'Intention. C'est donc à juste titre que l'on peut les nommer Neijia. Mais cela reste différent de l'ancien Neijia Quan qui est un style portant ce nom et que l'on pourrait rajouter à la liste actuelle des styles internes.
Bien qu'au dire de la légende, les origines de ce style parlent du mythique Zhang Sanfeng comme étant son créateur, historiquement, l'histoire du Neijia Quan remonte à la Dynastie Ming. Des écrits du Général Qie Ji Guan relatent qu'un certain Zhang Song Xi, originaire du Simming, disciple de Shun Shi Shan Lao et pratiquant le Neijia Quan, s'était distingué parmi nombre de combattants venus de tout le pays pour chasser des bandits japonais et ce malgré son apparence frêle…Ces écrits sont aujourd'hui encore conservés au Musée Tien Yi Ge à Ning Bo dans la province de Simming Shan.
Le Neijia Quan tel qu'il m'a été transmis par le Maître Hui Liang comprend :
San Shou 108, une compilation de cent huit techniques à travailler d'abord une par une, puis liés sous forme de Taolu, enchaînement continu ou forme
Ge Shou, Contre de Mains, 36 mouvements à pratiquer à deux
deux Yun Xing Quan, Boxe de la Forme des Nuages, 99 et 36, enchaînements de mouvements pour la forme de corps et la santé
Shi Shan Bian, 13 Bâtons de Pèlerin
Wutang Jian yi lu, er lu, shan lu, Epée de Wutang 1ère, 2ème, 3ème formes
Qing Gong, Exercices de Légèreté
Tie Bu Shan, Chemise de Fer
Dian Xue, Frappes sur Points Vitaux
Ji Ben Gong, Exercices de Base de Posture ou d'Assouplissement

N.T.T : Lorsque vous pratiquez, la manière dont vous respirez est très particulière. Accepteriez-vous de nous enseigner quelques-uns des principes fondamentaux du souffle dans les arts internes ?

Maître WANG Bo : C'est un domaine très vaste et dans lequel une vie entière n'est pas suffisante pour en percer à jour les mystères. Cependant mon humble expérience m'a permis d'en expérimenter quelques aspects. Il faut à mon avis séparer le travail méditatif, postural, du travail en mouvement.
Lorsque l'on est dans une posture fixe, que ce soit debout, assis ou allongé, on peut se concentrer et utiliser le Yi, intention, pour faire circuler le souffle dans le corps. On parle là d'une respiration beaucoup plus subtile que la respiration pulmonaire. Cela demande beaucoup de tranquillité afin d'effectuer, par le biais de la concentration, des trajets bien précis. Par exemple, vous pouvez vous entraîner à inspirer par la plante des pieds, par le point Yong Quan, Source Jaillissante, situé sous la plante du pied dans le creux qui se forme lors de la flexion des orteils, remonter jusqu'à la zone du Dantian, champ de cinabre, sous l'ombilic et expirer par les paumes des mains, par le point Lao Gong, Palais du Labeur, à l'endroit touché par le médius fléchit sur la paume de la main. Il existe de nombreux trajets, mais il ne suffit pas de les connaître, il faut les expérimenter. Mais ici comme dans tous les arts chinois, expérimenter signifie s'exercer sous la direction d'un maître. Expérimenter sans l'autorité du maître est dangereux et irresponsable.
Lorsque vous bougez, vous devez lier la respiration au mouvement. Si vous pratiquez pour la santé, vous pouvez utiliser la respiration abdominale, mais si vous recherchez l'aspect martial alors il vous faudra utiliser la respiration inversée. En général, l'inspire correspond aux mouvements d'absorption de la force de l'adversaire et l'expire à ceux de répulsion ou d'émission de force, Fa Jing. Cependant vous devrez également vous entraînez à faire le contraire, ou à faire deux inspirations pour une expiration et vice-versa… Dans le Neijia Quan, il existe un mouvement où, pour une seule inspiration, vous devez lier huit expirations !
Dans le combat, la fixité n'existe pas. Si votre respiration peut s'adapter naturellement au rythme de l'affrontement, vous aurez un avantage certain.

N.T.T : En vous regardant pratiquer, il est flagrant que votre façon de bouger le dos diffère de ce que l'on est habitué à voir, vos lombaires semblent générer le mouvement et votre colonne effectue des mouvements ondulatoires. Les autres pratiquants d'arts internes gardent le dos droit, le sommet de la tête étiré et pivotent en général au niveau des hanches. D'où vous vient cette méthode et quelle en est sa raison, énergétique ou martiale ?

Maître WANG Bo : Étant dénué de tout talent, je n'ai fait qu'essayer tout au long de ma vie de mettre en pratique une maxime, que répétaient différents Maîtres que j'ai eu la chance de rencontrer. Cette maxime énonce que la force est générée depuis les racines (jambes), dirigée par la taille (lombaires et abdomen) et émise par les bras et mains. Différents ouvrages théoriques du début du vingtième siècle y faisaient encore référence. Le mouvement ondulatoire de la colonne, Ze Die, Plier, mais dans ce contexte, dans le sens du roseau qui plie mais ne rompt pas, est un des principes clé du Taiji ancien et du Neijia Quan. Il permet de développer la puissance de transformation, Hua Jing, permettant de dévier la force de l'adversaire sans s'y opposer. Nombre d'ouvrages en parlent, particulièrement dans le style Chen.
De par votre question, force est de constater que de nos jours, peu de pratiquants cherchent encore cet aspect du Taiji Quan.
Sur le plan énergétique, rappelons que c'est grâce au méridien des reins, qui débute aux pieds, que Yuan Qi, Energie Ancestrale, lot de vie, peut circuler dans tout le corps. Cette essence, Jing, est précieusement gardée entre les reins, dans la zone des lombaires appelée Ming Men, Porte de la Vitalité /Destin, et dont le point d'acupuncture du même nom se trouve sur le Du Mai, Vaisseau Gouverneur, la colonne vertébrale. Ce même méridien des reins communique avec le Xin Bao, Enveloppe du Cœur, qui suit son trajet sur les bras pour aboutir au fameux point Lao Gong dont nous parlions tout à l'heure…

N.T.T : Lorsque vous effectuez un Fa Jing, dans un Taolu ou un exercice de combat, vous utilisez un type de regard très particulier. Vos yeux, durant cet instant, s'ouvrent en grand.
Pourriez-vous nous instruire sur les fondements de cette méthode ?


Maître WANG Bo : Au moment où vous dirigez toute la puissance de votre corps vers un point d'impact, vous devez mobiliser votre Shen, Esprit Vital, dans cette direction. L'espace d'un cheveu peut suffire à désolidariser l'unité corporelle. Toute l'intention de votre coeur doit y être engagée. Le feu du foie s'échappant par son orifice, les yeux, commande à l'énergie, comme un fidèle et vaillant général, sur le champ de bataille, conduit ses troupes à l'assaut, dans le respect des ordres de son empereur, le coeur.
Dans le Qi Gong des Ba Duan Jing, Huit Pièces de Brocart, un des exercices consiste à chasser le feu du foie par les yeux, en effectuant ce type d'émission d'énergie.
Les vertus thérapeutiques, de ce type de mouvements, sont d'empêcher l'accumulation du feu nocif dans cet organe, généralement causé par les colères rentrées ou les excès alimentaires.

N.T.T : Dans la pratique des arts martiaux traditionnels, il existe l'entraînement en solo, dont l'un des piliers est le Taolu, et le travail face à un ou plusieurs adversaires. Beaucoup de pratiquants se demandent, combien de temps dédier à l'un et l'autre.
Quelle est votre opinion sur ce sujet ?


Maître WANG Bo : S'entraîner seul est important tout d'abord pour la santé : c'est bon pour la circulation du sang dans les vaisseaux, pour conserver et développer le potentiel des muscles, tendons et os, pour fortifier le corps... Si on a déjà de l'expérience dans le combat, cela peut également servir à affiner ses techniques, à les réviser lorsque l'on n'a pas de partenaires avec qui s'exercer. Les Taolu sont des sortes de répertoires dans lesquels sont compilées les techniques essentielles d'un style. Pour percer à jour leur contenu martial, il est indispensable de travailler chacune de ses applications de manière isolée, seul et à plusieurs.
Nous entrons là dans la question du travail face à un ou plusieurs partenaires ou adversaires. Il est indéniable que quiconque veut prétendre explorer l'aspect martial d'une discipline doit passer par ce type de travail. Selon le style, il existe nombres de méthodes valables. Le Pai Da, Exercice de Frappes et Ripostes, le Dui Zi, Combat, en sont les formes se rapprochant le plus de la réalité. Cependant il est évident que l'entraînement ne peut reproduire la situation réelle, où tout est permis et dont l'enjeu n'est pas de dominer son adversaire mais de garder la vie sauve. Le Taiji, par exemple, utilise le Tuishou, pour comprendre le Nian Jing, Force d'Adhérer, engendrant le Ting Jing, Sens de l'Ecoute, permettant alors le Hua Jing, Puissance de Transformation, faisant surgir naturellement le Fa Jing, Emission de la Puissance Interne…
On peut donc et même devrait s'exercer aux deux, tout en gardant en mémoire que l'objectif de l'un et l'autre sont un peu différents.
Malgré mon expérience insignifiante, je me permettrai d'ajouter qu'il m'a été prouvé à maintes reprises que le bien le plus précieux sur cette Terre, plus encore que l'or et l'argent ou que la sensation éphémère et fausse d'être plus fort que l'autre, est de rester en bonne santé !

N.T.T : Après toute cette vie d'apprentissage et de recherche, lorsque, à votre tour, vous êtes celui qui transmet, pourriez-vous nous dire ce que vous attendez de vos disciples et élèves ?

Maître WANG Bo : Vous avez raison de faire la différence entre disciples et élèves. Lors des stages qu'il m'arrive de faire en Europe ou ailleurs, j'ai l'honneur de rencontrer de nombreux pratiquants venus des horizons les plus divers. Chacun a une vision du monde et de la pratique différente. Il y en a que je ne reverrai jamais, d'autres que je reverrai parfois et d'autres encore que je reverrai régulièrement au cours des années. Dans ces conditions l'attachement et les liens profonds sont durs à tisser, d'autant que souvent la barrière de la langue limite la communication. La seule chose que je puisse espérer d'eux est qu'ils apprécient ce que j'ai pu leur transmettre de mon insignifiante compréhension, durant les courts instants de nos rencontres et cela me comblerait de bonheur de savoir qu'ils pratiquent assidûment ce qu'ils ont appris avec moi. Car il suffit de peu de mouvements et d'un coeur pur pour atteindre un niveau élevé. Il serait d'ailleurs injuste de ma part d'en demander plus, étant donné que j'accepte une rémunération en échange de mon enseignement. C'est un échange de bons procédés, si quelqu'un ne m'apprécie pas, il n'est pas obligé de garder contact avec moi, ni de suivre mon enseignement. C'est le rapport élève professeur.
Dès le moment où l'on parle de disciple, les attentes diffèrent sensiblement. Dans la tradition, c'est le Maître qui accepte ou non une personne comme disciple, contrairement à l'élève qui choisit son professeur. Il n'attend pas d'argent en échange de son enseignement mais une piété et un respect filial. Il devient le père spirituel. La transmission du savoir sera donc autant physique que morale. Le Maître essaiera d'inculquer ses valeurs les plus profondes en plus de ses connaissances dans son domaine précis.
Ces qualités demandent temps, patience et sincérité de la part du disciple. Cela demande d'épurer le coeur de toute convoitise et des passions destructrices. C'est pourquoi le Maître peut parfois " tester " pendant des années son disciple avant de lui livrer l'intégralité de son savoir, préférant le laisser d'abord progresser dans sa vertu plutôt que dans sa technique. Nombreux sont ceux qui se décourageront, voulant tout obtenir tout de suite. Peu sont ceux dont le coeur est vraiment sincère.

N.T.T : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les disciples que vous avez eus ? Y en a-t-il à qui vous avez transmis l'intégralité de votre savoir ?

Maître WANG Bo : J'ai malheureusement rencontré des cœurs perfides dont le seul but était de s'approprier des techniques pouvant renforcer leur ego démesuré et que le temps a fort heureusement réussi à me faire voir sous leur véritable visage. Grâce aux mises en gardes éclairées de mes propres Maîtres, j'ai évité de tout leur transmettre et d'ailleurs n'ayant réussi qu'à leur apprendre des techniques dénuées de l'esprit qui les animait, je ne les nommerais pas.
Mais le ciel étant clément avec moi, j'ai également pu rencontrer quelques cœurs sincères qui me sont restés fidèles au fil des années et à qui j'ai transmis une partie plus ou moins importante de mes insignifiantes connaissances.
En Chine, j'ai transmis une partie du Neijia Quan et la Quanyou Laojia à mon disciple Cantonnais Ye Jiaxing qui m'est resté fidèle depuis plus de trente ans et la Quanyou Laojia à Zhang Huizen qui me suit depuis trente-sept ans. Je les considère vraiment comme mes disciples.
En Europe, aux Iles Canaries, à Wang Yu [nda : Gabriel Chavez], j'ai transmis le style Yang, le Tie Bu Shan, le Xingyi Quan et une partie du Neijia Quan. Jusqu'à ce jour, il s'est toujours montré respectueux et à l'écoute.
Mais c'est à ma fille et disciple la plus émérite, Wang Yang que j'ai pu transmettre l'intégralité de mon savoir. Tant par sa réceptivité morale que par ses aptitudes physiques, elle s'est depuis sa plus tendre enfance montrée passionnée par l'étude des arts martiaux. Continuant sans cesse sa progression dans ce domaine où une vie n'est pas suffisante pour accéder à une compréhension totale, elle a pu accéder à l'expérience de Maîtres de renom. Étudiante assidue, ayant un coeur exempt de toute passion pour le pouvoir et l'argent, je me repose aujourd'hui sur elle en toute sécurité pour faire perdurer dans l'avenir des connaissances restées inchangées depuis des générations …

Quanyou laojia

Wu Quanyou(1834-1902) faisait partie du Shenji ying, le corps d’élite de l’armée impériale des Qing, (le GIGN impérial si on veut).
Ce corps d’élite fut entrainé, entre autre, par Yang Luchan (1799-1872) et son fils Yang Banhou (1837 – 1892).

Quanyou apprit son art à son Fils Wu jianquan, qui le simplifia, ainsi qu’a la génération suivante du Shenji ying dont Chang Yuanting (1860 – 1918), qui fut un des derniers fidèle du dernier empereur Puyi.
Chang Yuanting enseigna le taijiquan de Quanyou uniquement à son fils Chang Yunjie (1906-1970).
En 1912 les Qing abdique et le Shenjiying n’a plus de raison d’être.

Lors de l’invasion japonaise Chang Yunjie se réfugie à Shanghai, chez Wu Jianquan.
Après la victoire de Mao, Chang Yunjie resta assez discret et vécu dans la misère.
Chang n’approuvait pas le mouvement de vulgarisation du taijiquan Auquel participait, entre autres, Wu Jianquan et Yang Chen Fu.

Il n’enseigna son art qu’à un groupe de personne très restreint, Déjà formé aux arts martiaux.
Il refusait qu’on lui donne le titre de maitre et se fesait appeler « Oncle ». Il ne voulait pas se faire payer, mais il exigeait que ses élèves possèdent un emploi et prouvent constamment leur détermination dans l’art du taijiquan.

Parmi les élèves directes de Chang on peut citer Wang Bo, Dai Bi et Wu Bangcai...
Wang Bo transmis cette art à sa fille Wang Yang.
José Carmona appris cette art auprès de Wang Bo, qui est un dès rare spécialiste en France de cette forme de taijiquan que l’on peut trouver sous le nom de Taijiquan style Chang, Taijiquan du Shenji ying, ou encore Quanyou laojia « forme ancienne de Quanyou ».


Démontration de Wu Bangcai, magnique de souplesse et de fluidité.


Contrairement aux autres styles qui préconisent de toujours garder l’alignement de la colonne vertébrale, vous pouvez constater que le taijiquan de Chang montre une perpétuelle ondulation de la colonne qui s’étire et se courbe.

Pour plus de renseignement sur ce style vous pouvez consulter les sites suivants :
shenjiying.com : le Site de José carmona
wuwo.info : Site de Wang bo et de sa fille Wang Yang

Paochui du taijiquan

Le paochui (poing canon) est une forme plus explosive. On ne travail plus dans la lenteur, mais on laisse exploser, jaillir la force à travers le relachement (fajin). La forme lente est plus tournée vers l'interieure , vers l'écoute, l'attention, tandis le paochui va de l'intérieure vers l'extérieure, l'energie jailli est laisse exprimer tout l'aspect martial du taijiquan.
Le paochui fait parti intégrante du taijiquan de style chen. Bien que moins connu le style yang possède aussi un travail de taolu explosive.

Forme paochui du taijiquan style Yang par Thierry Alibert.



Forme Paochui du taijiquan style Chen par une femme qui me semble étre la fille de Wang Bo mais je n'en suis pas sûr.